La théorie à base empirique, ou théorie ancrée (grounded theory en anglais) est une approche qualitative centrée sur le développement de théories qui émergent directement de données collectées et analysées systématiquement. Son objectif est de construire de nouveaux cadres théoriques qui expliquent les phénomènes en fonction des expériences vécues, des comportements et des processus des participants. Par exemple, la théorie ancrée peut être utilisée pour développer un cadre permettant de comprendre comment les individus font face à des transitions de vie importantes, telles que des changements de carrière ou un déménagement. Cette approche est largement utilisée dans des domaines tels que la sociologie, la psychologie, les soins de santé et l’éducation.

théorie à base empirique

Méthodes et méthodologies

Collecte de données itérative – La théorie ancrée utilise un processus itératif pour la collecte de données, où les informations issues d’une analyse continue éclairent la collecte de données ultérieure. Cette approche dynamique permet aux chercheurs d’affiner les questions et d’explorer les concepts émergents au fur et à mesure de leur développement. Par exemple, les entretiens peuvent commencer de manière générale et évoluer pour se concentrer sur des thèmes spécifiques ou des lacunes identifiées lors des cycles précédents.

Méthodologie :

Les données sont collectées à l’aide de méthodes qualitatives telles que des entretiens, des groupes de discussion ou des observations directes. Les chercheurs documentent leurs idées et leurs réflexions au moyen de notes de service, qui servent d’outil essentiel pour suivre les développements théoriques. La collecte de données se poursuit jusqu’à ce que la saturation théorique soit atteinte, ce qui signifie qu’aucun nouveau thème ou concept n’émerge. Ce processus garantit que la théorie résultante est bien ancrée dans les données.

Codage ouvert, axial et sélectif – Le codage est la pierre angulaire de l’analyse des données dans la théorie ancrée, impliquant trois phases clés pour organiser et interpréter les données :

Codage ouvert : les données sont décomposées en unités plus petites, telles que des phrases ou des expressions, pour identifier les concepts initiaux. Par exemple, dans une étude sur l’adaptation au travail, les codes peuvent inclure « soutien d’équipe », « gestion du stress » et « programmes de formation ».

Codage axial : les connexions entre les codes initiaux sont identifiées, en les organisant en catégories et sous-catégories. Par exemple, « soutien d’équipe » peut être lié à des catégories plus larges comme « culture collaborative » et « satisfaction au travail ».

Codage sélectif : une catégorie centrale est identifiée pour intégrer et unifier les thèmes dans une théorie cohérente qui explique le phénomène étudié.

Méthodologie :

Les chercheurs segmentent les données et attribuent des codes pendant le codage ouvert, puis organisent et relient ces codes pendant le codage axial. L’étape finale, le codage sélectif, consiste à élaborer un récit ou un cadre central qui relie toutes les catégories. Ce processus est itératif et réflexif, garantissant que la théorie reste profondément liée aux données.

Bonnes pratiques

Prendre part à une analyse itérative :
Laissez les résultats de chaque étape de l’analyse guider la collecte de données ultérieure et affiner l’orientation de la recherche.

Maintenir la sensibilité théorique :
Restez ouvert aux résultats inattendus et laissez les données guider le développement de la théorie plutôt que d’imposer des cadres préexistants.

Utiliser les mémos de manière extensive :
Rédigez des mémos détaillés tout au long du processus de recherche pour documenter les idées analytiques, les décisions de codage et les réflexions sur les thèmes émergents.

Atteindre la saturation théorique :
Poursuivez la collecte de données jusqu’à ce qu’aucun nouveau thème ou concept ne soit identifié, en vous assurant que la théorie est complète et bien étayée.

Collaborer avec des pairs :
Prendre part à un débriefing entre pairs ou à un codage collaboratif pour valider les résultats, améliorer la rigueur et minimiser les préjugés des chercheurs.

Restez flexible :
Adaptez les questions, les méthodes et la focalisation à mesure que de nouveaux thèmes ou orientations émergent au cours du processus d’analyse.

Ce qu'il faut éviter

Théorisation prématurée :
Élaborer une théorie trop tôt dans le processus de recherche sans données suffisantes porte atteinte à sa crédibilité et à sa validité.

Cadres rigides :
Imposer des théories ou des cadres préexistants contredit la nature exploratoire de la théorie ancrée et limite l’innovation.

Généralisation excessive :
Évitez de tirer des conclusions qui vont au-delà de la portée des données, car la théorie ancrée privilégie la profondeur à l’étendue.

Ignorer les cas négatifs :
Ne pas aborder les données qui contredisent les tendances émergentes peut conduire à des théories incomplètes ou biaisées.

Manque de transparence :
Ne pas documenter complètement le processus de codage et d’analyse réduit la crédibilité et la reproductibilité de l’étude.

Surcharge de données :
La collecte de données excessives sans analyse itérative risque de submerger le chercheur et de diluer l’objectif de l’étude.

Conclusion

La conception de la recherche fondée sur la théorie ancrée est une approche dynamique et itérative permettant de développer des théories profondément ancrées dans des données du monde réel. En utilisant des méthodes telles que la collecte itérative de données et le codage ouvert, axial et sélectif, les chercheurs peuvent créer des cadres robustes qui expliquent des phénomènes complexes. Le respect des meilleures pratiques, notamment l’obtention d’une saturation théorique, le maintien de la flexibilité et la documentation transparente du processus, garantit la validité et la fiabilité des études fondées sur la théorie ancrée. Cette approche apporte des contributions précieuses aux avancées théoriques et aux applications pratiques dans diverses disciplines.

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